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https://www.franceculture.fr/emissions/toute-une-vie/sophocle-495-406-lavant-garde-tragique
"Un documentaire d' Alexandre Breton, Sophocle, l'avant-garde tragique, réalisé avec Yvon CroizierSamedi 10 avril 2021, 15h et en replay
Toute une vie, France CultureVous aurez le plaisir d'y entendre la parole inspirante & féconde de Cleo Carastro, Florence Dupont, Pierre Judet de la Combe, André Wilms ; d'y savourer des lectures offertes par Virginie Di Ricci sur des traductions du poète par Jean & Mayotte Bollack, Florence Dupont, Friedrich Hölderlin & Paul Mazon ; de rêver avec Stravinsky, Mendelssohn, Pizzetti, Carl Orff...L'œuvre de Sophocle reste une énigme. Cette énigme fertilisa des siècles jusqu'à nous, passant par Aristote, Shakespeare, Racine, Hegel, Nietzsche, Freud, Pasolini, Müller & Bene...Aussi éloignée de nous soit-elle, cette œuvre - ce qui nous en est parvenu - ne cesse de fasciner, de nous interroger, ne cesse d'être en attente : de ses lecteurs, de ses spectateurs, de ses acteurs, de ses héritiers...A l'instar de tous les chefs-d'œuvre, elle & son interprète restent à venir."
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.. Mais le raccourci pédestre par la vallée du Cavalon est un plus beau chemin : d'abord l'étroite voie gallo-romaine encaissée entre de petits murs à demi écroulés, puis, durant plus d'une heure, la traversée des chaps, des oliveraies et des vignes. La Coste, dominant tout l'admirable paysage, grandit et se précise pau à peu, comme un trésor longtemps convoitée et que bientôt l'on va saisir.
Le village habité monte en pentes abruptes jusqu'à la porte occidentale des vieux remparts. On marche maintenant dans le haut village abandonné, le long des maisons en ruine qui montent une garde fantomatique au pied de la résidence du marquis. A droite un antique escalier tourne entre des oubliettes béantes. Il est gravi avec angoisse. Et soudain, sur notre poitrine, toute la façade orientale comme à l'instant de s'écrouler et d'ensevelir l'idolâtre sous sa masse gigantesque assaillie par le mistral...Le cellier s'ouvre comme un antre ; des fragments de colonnes, phallus de titans, y sont couchés. Plus loin, toujours sur la même façade, fendue longitudinalement par une profonde lézarde, on accède, en gravissant un éboulis de pierre, à une vaste salle voûtée du premier étage (au mois de mai 1948, lors de notre dernière visite au château, cette rampe de décombres, après une insolite saison pluvieuse
Mais il faut la souveraineté du poème pour dire l'émotion de la route, le vertige de l'arrivée, la leçon ardente des ruines :
Derrière nous le Lubéron, pareil au mont hymette,
Bonnieux, étage du baiser, à mi-hauteur de l'exorable ;
Sur le vieux chemin de la plaine le prologue des amandiers.
Novembre étonnait ton sommeil.
Dans l'air torrentiel et blanc je parlais de celui que nous allions voir.
Cathédrale du ciel physique, le château de La Coste grandissait ;
Nous discernions un dieu captif appuyé sur une lyre.
---- La Coste, avec le seul honneur du vent féal !
Qui désigna jamais cette horloge charnelle,
ce cerveau géant sous la nue,
Cette idole insultée clamant dans la lumière sa fabuleuse créance ?
Salut, famine et pain, savoir et frénésie !
Debout dans la gravitation des certitudes,
L'ombre magnétique de Sade nous répondait de notre amour.
L'unité-reine scintilla.
Le monde se prouvait. Rien n'était plus épars.
O murs hyménéens, pandectes de l'Azur !
O creusets d'une alliance incorruptible !
Toi, l'espace, les monts, Sade, les jours futurs,
La volupté, le verbe, en un seul diamant.
Gilbert Lely
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"Sortie par trois fois de son berceau plurimillénaire - hauts plateaux d'Asie centrale, contreforts himalayens - la peste a déferlé sur l'Europe aux VIe, XIVe et XIXe siècles. De ces trois pandémies, la première fut dite "peste de Justinien" parce qu'elle atteignit sous son règne, en 541, le bassin méditerranéen ; durant deux siècles, jusqu'en 767, la peste cabota de l'Egypte au Bosphore et d'Antioche à l'Espagne. sur le continent, elle ne remonta pas au-delà de Trèves ; l'Angleterre fut épargnée et l'épidémie de 664 fut peut-être due à la variole, certainement pas à la peste, bien que relatée sous ce nom par Bède le Vénérable ; mais jusqu'au XVIIIe siècle, une équivoque persista : pestis - le fléau - et pestilencia désignent, qu'elle qu'en soit la nature, n'importe qu'elle épidémie d'une certaine importance.
Epargnée par la première pandémie, l'Angleterre fut ravagée, comme l'ensemble de l'Europe, par la seconde, la peste noire ou grande peste du Moyen Age. Cette fois encore, l'Europe fut atteinte par son littoral méditerranéen ; en 1347, les Génois occupaient en Crimée le comptoir de Caffa ; lorsque l'armée tartare du Khan Djanisberg vint y mettre le siège, les Génois repoussèrent l'assaillant avec tant de vigueur que celui-ci capitula ; mais la peste affectait l'armée tartare et Djanisberg fit catapulter des cadavres de pestiférés par dessus les murailles. Les Génois eurent vite fait de comprendre le danger ; ils s'embarquèrent en hâte, mais emportèrent avec eux l'infection qu'ils disséminèrent au fur et à mesure de leurs escales : Constantinople, Messine, Chypre, Venise, Naples, Gênes, furent atteintes et relancèrent à leur tour l'infection vers des ports indemnes. Le Ier novembre 1347, la peste débarquait à Marseille. Pénétrant dans les terres, elle envahissait l'Italie, la France, l'Espagne, atteignant l'Atlantique à Bordeaux en juillet 1348 et les ports d'Angleterre dans les semaines suivantes : Melcombe-Regis (Weumouth), où une pierre marque encore ce débarquement de la peste, fut le premier atteint (pour certains, dès juin même, par Calais plutôt que par Bordeaux), Southampton, Bristol, Gloucester suivirent, et, le 29 septembre 1348, la peste entrait à Londres. S'étendant à l'arrière-pays, elle infectait les deux tiers de l'Angleterre durant 1349. En 1350 l'écosse était atteinte à son tour, seul son centre fut peut-être épargné.
Dans le même temps, la peste poursuivait son périple autour du continent et, par la mer du Nord et la Baltique, envahissait le Danemark, la Norvège, l'Allemagne, la Pologne et, en 1352, la Russie d'Europe.
Ainsi, en mois de quatre ans, de 1348 à 1352, la Mort Noire avait conquis la totalité de l'Europe avec une incroyable rapidité. En moins de quatre ans, elle avait fait 24 millions de morts, soit entre le quart et le tiers de la population. D'après Froissart "bien la tierce partie du monde mourut" et, selon le distique d'un chroniqueur bourguignon :
A Nuits de cent restèrent huit
En mil trois cent quarante huitEncore n'était-ce là qu'une première saignée, le début d'une longue mainmise sur l'Europe : à ces quatre années de Mort Noire succédèrent, selon les pays, trois à quatre siècles d'une mortalité plus ou moins continue. Jusqu'à la fin du XVe siècle, la peste parcourt l'Europe suivant un mode serpigineux, disparaissant ici, réapparaissant là, s'acharnant sur certaines villes, telle Londres frappée à nouveau en 1360,1362,1368,1369,1375,1382, puis de 1405 à 1407, en 1426, de 1433 à 1438, en 1454 encre, et presque sans interruption, de 1464 à la fin du XVIe siècle.
Peu à peu, à partir du XVIIe siècle, pour des raisons que bactériologistes et épidémiologistes commencent de comprendre, la peste desserre progressivement et inégalement son emprise : elle disparaît de Florence de France en 1786, d'Italie en 1816, d'Espagne en 1820. Si elle a libéré l'Angleterre dès 1668, Londres aura connu d'effroyables mortalités : 36 000 morts en 1603, 35 000 en 1625, 10 000 en 1636, 70 000 en 1665-1666, l'année de la peste relatée par Defoe.
Plus que les deux premières, la troisième pandémie mérita bien son nom, car elle toucha effectivement tous les peuples, de 1894 à 1920. Atteignant Hong Kong en 1894, Bombay en 1896, la peste y trouva ce qui devait assurer sa fortune définitive : la navigation à vapeur. Durant des siècles, la lenteur de la marine à voile avait contraint la peste au cabotage, lui interdisant toute navigation hauturière : la lenteur des traversées excédait la brièveté de la maladie. Nul navire infecté quittant l'Europe ne pouvait espérer atteindre, vivant, le Nouveau Monde et ces voiliers errants, que nul ne dirigeait plus, ont participé à la naissance du mythe du vaisseau fantôme.
Par leur rapidité les steamers dispersèrent la peste dans tous les ports du monde : à Suez en 1897, à Maurice et Madagascar en 1898, à Marseille, à Sydney, à Glasgow et à San Francisco en 1900, à Honolulu en 1908, à Java en 1911, à Ceylan en 1914, à Manille en 1920. Cette même année 1920, une péniche de charbon venue de Londres débarqua la peste à Paris, au canal de Saint-Ouen.
C'est durant cette troisième pandémie que l'homme pénétra les secrets de la peste. La découverte du Bacille responsable par un élève de Pasteur, Alexandre Yersin, apportait enfin en 1894 la réponse à l'une des plus angoissantes ignorances qu'ait connues l'humanité. Pendant des siècles les hommes vécurent dans l'insupportable incompréhension de la peste. Ni la conjonction des planètes, ni la vieille théorie des miasmes, ni l'invocation d'un châtiment divin, ni les "semeurs de peste" ne pouvaient expliquer le fléau. La découverte de Yersin apportait à la fois l'explication et l'espoir d'une prophylaxie.
Tout aussi capitale fut la découverte par Yersin du rôle du rat, commis voyageur de la peste, capable de la disséminer au cours de ses déplacements par terre comme par mer.
Restait à découvrir comment le bacille de Yersin passait du rat à l'homme, éventuellement d'individu à individu. Yersin lui même ne le soupçonnait pas et le 2 juin 1894, il terminait ainsi une lettre annonçant sa découverte à sa mère : " Adieu, chère maman, lave-toi les mains après avoir lu ma lettre pour ne pas gagner la peste." Il faut attendre encore quatre ans pour que P.L. Simond, en 1898, révèle au monde scientifique incrédule le rôle de la puce dans la transmission de la peste : ce jour-là, écrit-il, le 2 juin 1898, j'éprouvais une émotion inexprimable à la pensée que je venais de violer un secret qui angoissait l'humanité depuis l'apparition de la peste dans le monde." A ces trois découvertes majeures, W. M. Haffkine, en 1897, ajoutait celle du vaccin antipesteux. Ainsi, le siècle finissant voyait l'homme capable de maîtriser la peste."
Préface de Henri H. Mollaret au Journal de l'année de la peste de Daniel Defoe.
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SADE-CHARENTON, LES LARMES DE SANG
Création théâtrale Festival des Arts émergents de Turin 2000
Mise en scène et Scénographie : Jean-Marc Musial - Dramaturgie : Jean-Marc Musial et Virginie Di Ricci. JUSTINE : Stéphanie CLIQUENNOIS /JULIETTE : Virginie DI RICCi / CLAIRWIL : Françoise BERLANGER / FLORBELLE : Bruno MARIN / L’ABBÉ CHABERT : Franck ANDRIEUX / L’ INSPECTEUR MARAIS : Hugues CHAMART / Son : Guillaume CARLIER, David BAUSSERON / Perche sonore : Jean-Marc MUSIAL / Lumière : Patrick BOURNY / Directeur technique vidéo : Vincent FOUCKE / Régisseur vidéo directe : Jérôme BETRANCOURT / Cadreurs en direct : François MATHON, Tristan SENET.
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Nouvel Opus de Michaël/le Grébil Liberg.
Un coffret arcane autour du chiffre 17 et de l'arcane correspondante, l'Estoille.
Un voyage talismanique au travers d'un double Hörspiel ("SECUS≈SPIRO"), un film ("137"), des textes, ymages...
Le coffret est disponible sur la page Bandcamp de Thödolrecords, sous sa version physique, où numérique :
https://thodolnetlabel.bandcamp.com/album/le-disisepti-me-signe-the-seventeneth-sygne
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Nurse with Wound
To another awareness
bande-son de Ci-gît d'Antonin Artaud, éditions Lenka lente, octobre 2018.
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B. Pour un nouveau type d'art théâtral.
Le théâtre, qui est, comme la poésie, un art composite contient davantage encore
d'éléments inessentiels et c'est pourquoi il est beaucoup plus difficile d'imaginer une
forme pure sur la scène, indépendante des actions humaines en son essence.
Je crois pourtant que ce n'est pas tout à fait impossible. Tout comme il a existé, dans les arts
plastiques une époque où la forme pure et le contenu métaphysique de la sensibilité
religieuse formaient un tout unique, il y eut aussi une époque où le devenir scénique et
le mythe réalisèrent une unité semblable. La forme et le contenu de notre peinture et
de notre sculpture, le contenu de leurs objets, qu'ils soient fantastiques ou proches du
réel, ne sont qu'un prétexte à la création sans aucun lien direct avec elle, une sorte de
doping pour le mécanisme esthétique portant l'artiste à une certaine tension créatrice.
Je pense donc qu'on peut envisager un art théâtral dans lequel le devenir lui-même –
indépendamment des images intensifiées qu'il donne de la vie – peut porter le
spectateur vers un état de compréhension métaphysique, de réceptivité aux sentiments
métaphysiques, que le fond de l'oeuvre soi fantastique ou réaliste ou encore une
synthèse de ces deux genres. Mais cela suppose évidemment que toute la pièce prenne
sa source en un besoin sincère de susciter scéniquement de tels sentiments avec la
forme appropriée. Et que l'essentiel de l'oeuvre ne réside pas uniquement en son
contenu réel ou fantastique mais que, par la synthèse de tous les éléments théâtraux
(sons, décors, mouvements scéniques, texte) il puisse s'édifier librement, sans référence
nécessaire au monde réel ; Il faut pouvoir librement et totalement déformer la vie et le
monde fantastique pour créer une unité dont le sens serait fourni par son architecture
interne et scénique et non par les exigences de la psycholoie ou de l'action en fonction
de la vie, ces dernières exigences n'étant valables que pour les oeuvres qui se veulent
une reproduction amplifiée de la réalité ; Je ne veux pas dire apour autant que l'oeuvre
théâtrale doive être à tout prix absurde mais seulement qu'elle ne soit plus freinée par
les modèles actuels, fondés sur le sens vital ou les règles du fantastique. Les comédiens
ne devraient pas exister en tant que tels mais comme éléments d'un ensemble, au même
titre que telle tache de couleur rouge en tel tableau.
La pièce envisagée peut prendre toutes les libertés qu'elle veut à l'égard du réel.
Il suffit que cette liberté – et les absurdités apparentes qu'elle entraîne – soit justifiée et
conduise vers la dimension psychique où il est primordial d'introduire le spectateur. Je
ne suis pas pour le moment en mesure de donner un exemple précis d'une telle pièce.
Je veux seulement marquer ici la possibilité d'en créer une par le dépassement des
préjugés révolus.
Admettons donc que quelqu'un écrive une telle pièce. Le public devra s'y
habituer comme il s'habitue aux mollets déformés des tableaux de Picasso. On peut
imaginer un tableau uniquement fait de formes abstraites qui, à moins qu'on ne les
suscite soi-même à tout prix, n'impliqueront aucune référence aux formes du monde
extérieur. Par contre, on ne peut imaginer une oeuvre identique au théâtre car le
devenir pur dans le temps n'est possible que dans la sphère des sons et des couleurs.
On ne peut concevoir d'oeuvres théâtrales sans interventions et sans actions de
personnages – fussent-ils les plus farfelus ou les plus monstrueux – car le théâtre est un
art composite qui ne possède pas, comme la peinture ou la musique, d'éléments ou de
matériaux autonomes. Le théâtre actuel donne l'impression d'un art désespéremment
bouché qui ne peut éclater qu'en y introduisant ce que j'ai appelé le fantastique de la
psychologie et du comportement. La psychologie des personnages et leur
comportement doivent être un prétexte à une pure succession d'événements.
L'essentiel, c'est que la continuité psychologique des personnages et celle de leur
comportement ne soit plus ce cauchemar qui pèse de tout son poids sur l'architecture
des pièces. On en a plus qu'assez, à mon sens, de ce règne maudit des caractères, de
cette pseudo-vérité psychologique qui donne à tous la nausée . En quoi ce ui se passe
dans la rue Wspolna n°38, appartement 10 ou dans quelque château enchanté ou dans
quelque époque lointaine, peut-il nous intéresser ? Nous souhaitons, au théâtre,
pénétrer dans un monde radicalement différent où les événements, découlant de la
psychologie ds personnages – qu'ils soient vraisemblables ou erronés – les jeux
d'éclairage, les changements de décor, l'accompagnement musical, doivent s'imposer
comme nécessaires et provoquer, par la singularité de leur enchaînement, un devenir
temporel libéré de toute logique, à l'exception de celle de la forme même de ce devenir.
A cette nécessité peut aussi s'adjoindre la possibilité de modifier le psychisme des
personnages en faisant abstraction de la logique de leurs comportements. Cette
psychologie « fantastique » devra s'imposer avec la même évidence que les mollets
cubiques des peintures de Picasso.
Les gens qui rient devant les déformations de telle ou telle peinture
contemporaine riront aussi évidemment devant le psychisme incompréhensible des
personnages sur la scène. Mais il me paraît possible de résoudre ce problème – comme
il le fut, relativement pour la musique et la peinture contemporaines – en essayant de
mieux comprendre l'essence de l'art moderne et de s'habituer aux oeuvres nouvelles.
Ceux qui ont compris l'art pur en peinture ne peuvent plus regarder les autres
tableaux comme auparavant. De même, ceux qui se seraient faits à ce nouveau théâtre
ne pourront que difficilement supporter les oeuvres réalistes ou lourdement symbolistes
d'aujourd'hui. En peinture, nous avons maintes fois vérifié ce phénomène sur des gens
qui semblaient au début incapable de comprendre la forme pure et qui, après une
certaine initiation, purent formuler sur les oeuvres modernes des jugements
remarquablement pertinents. Peut-être y a-t'il dans ce raisonnement une certaine dose
de perversité mais pourquoi aurions-nous peur de la perversité dans le domaine de
l'art ? Les perversions sont choses pénibles dans la vie mais peut-on transférer au
domaine de l'art des jugements qui ne concernent que la vie ?
La perversion en art (par exemple, le déséquilibre des masses dans la
composition, la désharmonie des couleurs en peinture) est un moyen, non un but. C'est
pourquoi elle est étrangère à la morale puisque le but qu'elle permet d'atteindre –
l'unité dans la pluralité de la forme pure – ne saurait lui-même être jugé selon les
critères du bien et du mal. Avec le théâtre la chose se passe un peu différemment
puisque ses éléments constitutifs sont des êtres vivants et agissants.
Une pièce répondant aux exigences que nous avons définis ne serait réalisable
que si un large public en ressentait lui-même le besoin et si les auteurs susceptibles de
l'écrire étaient portés spontanément par la même exigence. Si elle n'est qu'une sorte de
« non sens programmé » conçu à froid, artificiel, sans nécessité, elle provoquera
inévitablement le rire, comme ces tableaux dont les objets sont déformés sans raison
par les peintres, qui ne les exécutent que pour des raisons commerciales ou pour épater
le bourgeois. Les formes abstraites et pures sont nées en peinture en payant un tribut
nécessaire à la déformation des objets et des êtres du monde extérieur. De même, la
forme pure ne peut naître au théâtre qu'au prix d'une déformation identique de la
psychologie et du comportement des personnages. Il faut que l'oeuvre soit
complétement libérée de tout souci de fidélité, d'exactitude à l'égard des données de la
vie, mais par contre il lui faut être d'une précision scrupuleuse dans les liaisons de
l'action et de la construction formelle.
La tâche consistera donc à meubler le temps d'un devenir scénique possédant sa
propre logique, sans aucune dépendance à l'égard du réel. L'exemple imaginé
ridiculisera peut-être ma théorie, déjà suffisamment ridicule (voire absurde ou
révoltante) pour certains, mais je la proposerai malgré tout.
Trois personnages habillés de rouge entrent en scène et saluent on ne sait qui.
Une de ces personnes récite un poème (qui doit apparaître à cet instant comme
indispensable). Entre un vieillard à l'expression douce menant un chat au bout d'une
laisse. Tout cela se déroule sur un fond de rideau noir ; Ce dernier s'ouvre et découvre
un paysage italien tandis que retentit une musique d'orgues. Le vieillard s'adresse aux
personnages déjà en scène, leur dit quelque chose en accord avec l'ambiance qui
précède. Un verre tombe d'une table ; Tout le monde se jette à genoux et pleure. Le
vieillard se mue alors en un fauve déchaîné et assassine une petite fille qui vient juste
d'entrer en scène en rampant du côté jardin. Sur ce, un beau jeune homme fait
irruption, remercie le vieillard du crime qu'il vient d'accomplir et les personnages en
rouge se mettent à chanter et à danser. Après quoi, le jeune homme sanglote près du
cadavre de la petite fille en disant des choses très drôles et très gaies. Le vieillard
reprend alors son apparence première d'homme doux et bon et rit dans un coin en
prononçant des phrases simples et sublimes.
Les habits peuvent être au choix, de style ou entièrement fantaisistes. La
musique peut jouer à certains moments. Est-ce une maison de fous ou le cerveau d'un
fou sur la scène. Il se peut, mais avec cette méthode, il est possible, en écrivant
sérieusement une pièce de ce genre et en la présentant avec la rigueur nécessaire, de
créer des spectacles d'une beauté jamais rencontrée jusqu'alors, grâce à ce style
nouveau qui ne rappelle rien de ce qui a été fait.
En sortant du théâtre, le spectateur devrait avoir l'impression d'émerger d'un
rêve étrange dans lequel les choses les plus banales ont un charme inexplicable, ce
charme incomparable que seuls possèdent les rêves. Aujourd'hui, le spectateur quitte
le théâtre avec un sentiment de dégoût ou l'âme bouleversée par l'horreur biologique
ou sa sublimité ou bien encore, furieux d'avoir été « eu » par des trucs ; quels que
soient ces genres, le théâtre actuel ne donne presque jamais l'impression d'un monde
fondamentalement différent, ouvrant sur une beauté purement formelle ; certaines
oeuvres d'auteurs anciens contiennent parfois des moments de cette nature et on ne
saurait le nier sans faire preuve d'une partialité diabolique. On les trouve dans
certaines pièces de Shakespeare et de Slowaki mais jamais dans leur forme pure et
c'est pourquoi ces oeuvres, en dépit de leur grandeur, ne donnent pas l'impression
recherchée.
Le point culminant ou le dénouement d'une telle pièce peuvent ne pas satisfaire
ce que j'appelle la « tension de nos tripes » , tension qui explique le succès des pièces
d'aujourd'hui. Il faut totalement oublier ces habitudes néfastes – ce besoin de suspens
– par exemple – pour pénétrer dans ce monde nouveau qui ne nous concerne pas
vitalement, pour pouvoir vivre un drame métaphysique, comme celui que suscitent les
notes d'une symphonie ou d'une sonate ; le dénouement ne peut être la solution ou la
résolution d'un problème vital mais le déliement d'un noeud formel, sonore, plastique
ou psychologique, libre de toute référence au réel.
Evidemment, ceux qui ne comprennent rien à l'essence de l'art pourront là
encore me reprocher l'apparence totalement gratuite d'une telle oeuvre ; Pourquoi trois
personnages et pas cinq ? Pourquoi sont-ils en rouge et non en vert ? Bien qu'il ne soit
pas possible de justifier logiquement la nécessité de tel nombre ou de telle couleur, ces
éléments devront pourtant apparaître comme nécessaires, comme ils le sont toujours
en toute oeuvre véritablement composée et structurée. Et son dénouement doit
apparaître si évident qu'il soit exclu d'en imaginer de différent. J'affirme que si une
telle pièce est écrite avec sincérité, elle s'imposera nécessairement au spectateur.
J'ai déjà dit qu'au théatre, le problème de la forme pure est beaucoup plus ardu
que dans les autres arts, parce que, comme l'a dit un « connaisseur », le public fait
partie du spectacle lui-même et la pièce doit être rentable. Mais je pense que tôt ou
tard, le théâtre prendra la voie de l'inassouvissement de la forme, qu'il a négligé
jusqu'à présent. Je suis persuadé qu'on pourra créer des oeuvres exceptionnelles du
point de vue de la forme pure et qu'on cessera d'avoir affaire à une pseudo-rénovation
du théâtre, à la répétition nauséeuse d'un répertoire révolu. Il faut libérer la « bête
endormie » et voir ce qu'elle va faire. Si elle devient enragée, il sera temps de l'abattre.
1920
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"Van Gogh le suicidé de la société" d'Antonin Artaud
"dans un monde où on mange chaque jour du vagin cuit à la sauce verte".
Dramaturgie et Jeu : Virginie Di Ricci
Scénographie / Lumière / Mise en scène : Jean-Marc Musial
©Crédits photographiques Thierry Tiko Lefebvre -
Création au Théâtre des Nuits Blanches Lille 1999
Espace Pier Paolo Pasolini de Valenciennes - 2000
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Théâtre Confluences Paris 2014
Reprise à Gare au théâtre - Festival Nous n'irons pas à Avignon -
du 23 au 27 juillet 2014.
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DRAMATURGIE ET JEU :
Virginie Di Ricci
SCÉNOGRAPHIE, MISE EN SCÈNE, LUMIÈRE :
Jean-Marc Musial
RÉGIE PLATEAU
David Bausseron
PRODUCTION /ADMINISTRATION:
TERRIBILITA
Production :
TERRIBILITA avec le soutien de R.A.V.I.V (Partage d'espace de répétitions), de Confluences - Coréalisation : Festival Nous n'irons pas en Avignon Gare au théâtre (Vitry / Seine).
"Van Gogh le suicidé de la société" d'Antonin ARTAUD © Editions Gallimard
Champs de blé aux corbeaux - van Gogh - Auvers 1890
"Deux ou trois têtes de vieillards de fumée risquent une grimace d'apocalypse, mais les corbeaux de van Gogh sont là qui les incitent à plus de décence, je veux dire à moins de spiritualité."
Antonin Artaud
"Van Gogh le suicidé de la société"
Antonin Artaud - Lettre à André BRETON Février 1947
"Et je sais bien qu'un tableau de Van Gogh met par terre toute la cosmographie, toute l'hydrographie, toute la science des éclipses, des équinoxes et des saisons, mais je voudrais bien le voir ailleurs que dans les salles de l'orangerie où,
exposé
l'objet est
émasculé,"Il y a quelque chose au dedans de moi, qu'est ce que c'est donc ? Les hommes sont souvent dans l'impossibilité de rien faire, prisonnier de je ne sais quelle cage horrible, horrible, très horrible ...On ne saurait toujours dire ce que c'est qui enferme, ce qui mure, ce qui semble enterrer, mais on sent pourtant je ne sais quelles bornes, quelles grilles, des murs... et puis on se demande: Mon dieu, est-ce pour longtemps, est-ce pour toujours, est-ce pour l'éternité? "
Vincent Van Gogh-Lettre à Théo - juillet 1880
-"Je veux faire aux pauvres un message fraternel. Quand je signe Vincent,
c'est comme si je les tutoyais." (Van Gogh 1880-1882)
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En répétitions du 5 au 18 août 2013 à Confluences (Paris)
et du 19 au 25 août 2013 à Gare au Théâtre (Vitry-sur-Seine).
Avec le soutien de RAVIV,
dans le cadre du Partage d’espaces de travail et de répétitions 2013.
et du 30 décembre 2013 au 4 janvier 2014 au Théâtre de Gennevilliers.
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La chambre de Vincent -©Dessin JM Musial 2012
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« Il y a une qualité de la souffrance nerveuse que le plus grand acteur du monde ne peut vivre au cinéma s'il ne l'a un jour réalisée. Et je l'ai réalisée. » Lettre d’Antonin Artaud à Abel Gance du 27 novembre 1927.
La dernière séance du cycle « Le Grand jeu » se tourne vers une figure d’acteur à la fois sur et sous exposée : Antonin Artaud.
La carrière d’Artaud acteur de cinéma, de 1923 à 1935, est traversée de fulgurances : révolutionnaire pour Abel Gance, religieux chez Dreyer, soldat désespéré pour Raymond Bernard ou ange-gardien de Fritz Lang.
Pour cette dernière et singulière séance du « Grand Jeu », Kinétraces invite sur scène Virginie Di Ricci* pour une lecture de textes, lettres et documents d’archives, accompagnant les films :
"Faits divers", (1923), Claude Autant-Lara – 20 min
"Autour de "La Fin du monde", (1930), Eugène Deslaw – 11 min
"La Chute de la maison Usher", (1928), Jean Epstein – 64 min
Projection en 35 mm et DCP. Copies provenant du CNC et de la Cinémathèque française.
Séance accompagnée au piano par Thomas Lavoine, élève de la classe d’improvisation de Jean-François Zygel, en collaboration avec le Conservatoire National Supérieur de la Musique et de la Danse de Paris.
*Virginie Di Ricci est actrice/dramaturge/ monteuse. Elle a co-fondé le laboratoire de recherches et créations scéniques Terribilità. Depuis 1999, elle se confronte régulièrement seule en scène au Van Gogh, le suicidé de la société d'A.A., et propose depuis 2013 des percées vocales sous forme de Conférences/lectures dans les derniers Cahiers d'Ivry parus en 2012. Elle a publié deux textes dans les Cahiers Artaud ; N° 1 (oct 2013) et N°2 (oct 2015)
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Deux présentations en avant-premières de
"Van Gogh le suicidé de la société" d'Antonin Artaud
ont eu lieu
à Confluences - Paris 20ème
- lundi 6 et mardi 7 janvier 2014 à 19h30 -
Manière de mettre à l'épreuve de regards singuliers ce premier jet théâtral
"dans un monde où on mange chaque jour
du vagin cuit à la sauce verte".
Merci d'être venus
Photo Jm Musial - Scénographie Confluences janvier 2014.
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Dramaturgie et Jeu :
Virginie Di Ricci
Scénographie, Mise en scène, lumière/son/Image, et Régie directe :
Jean-Marc Musial
Production :
Terribilità
Remerciements particuliers :
Aelters, Hnz Adrzn, Arp Alias, David Bausseron, Louise Bronx, Barbie Rooza, Angela Di Vicenzo, Mirabelle Rousseau, Esther Silber, Seb (DigitalVandal).
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SAMEDI 15 FÉVRIER 2014 à 20H
6, rue d'Eupatoria
Eglise Notre-dame-de-la-Croix de Ménilmontant - 75020
M° Ménilmontant
Lectures amplifiées - Ménilmontant 2014©Photo Patricia Rousseau
Lectures amplifiées - Ménilmontant 2014©Photo Jm Musial
LECTURES AMPLIFIÉES
Prix : Participation Libre
- Les Chaises - Voix off d'un scénario écrit et lu par Anne Makovski + Geoffroy Laporte guitare électrique -
Précédé de
- 3 Lettres à Théo de Vincent van Gogh - et extrait de « Van Gogh, le suicidé de la société » d'Antonin Artaud par Virginie Di Ricci + son Jean-Marc Musial
« NUL N’A JAMAIS ÉCRIT OU PEINT, SCULPTÉ, MODELÉ, CONSTRUIT, INVENTÉ, QUE POUR SORTIR EN FAIT DE L’ENFER. »
Antonin Artaud
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VENDREDI 7 MARS 2014 à 19h30
Ecole Nationale Supérieure d'Art de Bourges
7 rue Edouard-Branly
Lecture de Textes et cahiers d'Ivry d'Antonin Artaud
par Virginie Di Ricci
Dans le cadre du Théâtre de l'Auto-dévoration,
cycle proposé par Pacôme Thiellement
à l'invitation de
Bandits-Mages
Captation réalisée par Bandits-Mages
O TA FIOLE IRA
- Le visage humain-
Tête Bleue - Dessin d'Antonin Artaud - 1946
Photo Amar Belmabrouk (Bandits-Mages)
Photo Amar Belmabrouk (Bandits-Mages)
Photo Amar Belmabrouk (Bandits-Mages)
Photo Amar Belmabrouk (Bandits-Mages)
Photo Amar Belmabrouk (Bandits-Mages)
Photo Amar Belmabrouk (Bandits-Mages)
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La fin de Satan, c’est fini ! Pacôme Thiellement en résidence au Monte-en-l'air
La résidence « Satan Trismégiste » a commencé le jeudi 7 mars 2013 et s’est achevée le mercredi 22 janvier 2014. C’est grâce à la librairie surnaturelle Le Monte-en-l’air que tout a eu lieu, grâce à Fabrice Cysique, à Guillaume Dumora et à la sublimissime Aurélie Garreau. Et si cette résidence s’est doublée d’un théâtre de vidéos sur viméo, c’est grâce à Remue.net, à Guénaël Bontouillet, à Patrick Chatelier et à l’inimaginablement fabuleuse Marjolaine Grandjean.
Ici vous avez tous les liens pour les vidéos que Marjolaine a filmées avec rigueur et toujours un magnifique sourire le long de la résidence au Monte-en-l’air.
L’idée était et est de faire le lien entre les grandes « gnoses » (qu’il s’agisse du gnosticisme à proprement parler ou de ses extensions typeIshrâqîyûn [1] ou pensée traditionnelle guénonienne [2]) et la pratique carnavalesque et cruelle, de la pataphysique à Hara-Kiri.
Pourquoi ? Pour lutter contre l’ennui, la dépression, le sentiment du malheur, le sentiment de l’inéluctable injustice.
Et parce que c’est beau.http://www.criticalsecret.net/pacomethiellement-epilogue-en-liens-epilog-such-as-links,148
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Dessin de Sylvie LOBATO - Merci Sylvie -
(réminiscence du "Van Gogh, le suicidé de la société" le 7/01/2014)
"C'est ainsi que les quelques rares bonnes volontés lucides qui ont eu à se débattre sur la terre, se voient à de certaines heures du jour ou de la nuit, au fond de certains états de cauchemars authentiques et réveillés, entourés de la formidable succion, de la formidable oppression tentaculaire d'une espèce de magie civique que l'on verra bientôt apparaître dans les mœurs à découvert." Antonin Artaud
Sylvie LOBATO
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FUGUE DE MORT - Paul CELAN - 1945
Lait noir de l'aube nous le buvons le soirle buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit
nous buvons et buvons
nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d'or
écrit ces mots s'avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens
il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe
il nous commande allons jouez pour qu'on danse
Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit
te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir
nous buvons et buvons
Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit
il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d'or
Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré
Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez
il attrape le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus
enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu'on danse
Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir
nous buvons et buvons un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or
tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents
Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d'Allemagne
il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel
vous aurez une tombe alors dans les nuages où l'on n'est pas serré
Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit
te buvons à midi la mort est un maître d'Allemagne
nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons
la mort est un maître d'Allemagne son oeil est bleu
il t'atteint d'une balle de plomb il ne te manque pas
un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or
il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel
il joue les serpents et rêve la mort est un maître d'Allemagne
tes cheveux d'or Margarete
tes cheveux cendre Sulamith
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