• .. Mais le raccourci pédestre par la vallée du Cavalon est un plus beau chemin : d'abord l'étroite voie gallo-romaine encaissée entre de petits murs à demi écroulés, puis, durant plus d'une heure, la traversée des chaps, des oliveraies et des vignes. La Coste, dominant tout l'admirable paysage, grandit et se précise pau à peu, comme un trésor longtemps convoitée et que bientôt l'on va saisir.

    Le village habité monte en pentes abruptes jusqu'à la porte occidentale des vieux remparts. On marche maintenant dans le haut village abandonné, le long des maisons en ruine qui montent une garde fantomatique au pied de la résidence du marquis. A droite un antique escalier tourne entre des oubliettes béantes. Il est gravi avec angoisse. Et soudain, sur notre poitrine, toute la façade orientale comme à l'instant de s'écrouler et d'ensevelir l'idolâtre sous sa masse gigantesque assaillie par le mistral...Le cellier s'ouvre comme un antre ; des fragments de colonnes, phallus de titans, y sont couchés. Plus loin, toujours sur la même façade, fendue longitudinalement par une profonde lézarde, on accède, en gravissant un éboulis de pierre, à une vaste salle voûtée du premier étage (au mois de mai 1948, lors de notre dernière visite au château, cette rampe de décombres, après une insolite saison pluvieuse

     

    Mais il faut la souveraineté du poème pour dire l'émotion de la route, le vertige de l'arrivée, la leçon ardente des ruines :

    Derrière nous le Lubéron, pareil au mont hymette,

    Bonnieux, étage du baiser, à mi-hauteur de l'exorable ;

    Sur le vieux chemin de la plaine le prologue des amandiers.

    Novembre étonnait ton sommeil.

    Dans l'air torrentiel et blanc je parlais de celui que nous allions voir.

     

    Cathédrale du ciel physique, le château de La Coste grandissait ;

    Nous discernions un dieu captif appuyé sur une lyre.

    ---- La Coste, avec le seul honneur du vent féal !

    Qui désigna jamais cette horloge charnelle,

    ce cerveau géant sous la nue,

    Cette idole insultée clamant dans la lumière sa fabuleuse créance ?

     

    Salut, famine et pain, savoir et frénésie !

     

    Debout dans la gravitation des certitudes,

    L'ombre magnétique de Sade nous répondait  de notre amour.

     

    L'unité-reine scintilla.

    Le monde se prouvait. Rien n'était plus épars.

    O murs hyménéens, pandectes de l'Azur !

    O creusets d'une alliance incorruptible !

     

    Toi, l'espace, les monts, Sade, les jours futurs,

    La volupté, le verbe, en un seul diamant.

     

    Gilbert Lely

    « Sophocle l'avant-garde tragique »

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