• Les mots du corps

    LES MOTS DU CORPS - Par Cécile Rognon -


    Les lettres immenses, dessinent sur le mur l’unique décor : MILCZENIE, le silence en polonais. Pour le reste le corps suffit. Jean-Marc Musial pose sur la petite scène des Nuits Blanches la première étape d’une recherche théâtrale à huit comédiens : « la forme pure», des mots qui reviennent comme une profession de foi dans la bouche du metteur en scène.

    Point de texte, ou si peu. Mais des visages, des bras, des jambes, qui jouent de l’équilibre, de l’instabilité. Mesure et démesure pour des corps en souffrance, en naissance. Expression portée jusque dans le moindre mouvement de l’orteil. L’essence du théâtre est là pour le théâtre du Logos. Dans le geste, la grimace, le regard. Le corps dans toute sa grandeur.


    Les visages sont grimés et le corps  se maquille aussi  ; de mouvements d’une lenteur infinie, de sursauts torturés, d’expressions saccadées. Et puis la peau se peint rouge sang, bleu nuit, nue. Les mots seraient vides de sens, là, quand le corps éclot doucement, quand les mains se tendent vers un soleil artificiel. La mort, la vie, les cheminements dits autrement. Avec une force qui vient de l’intérieur, sueur et frissons mêlés. La performance d’acteur se joue dans l’intimité corporelle, et quand le texte apparaît, rare, fugace, choisi, il se plaque simplement sur le geste évident mais ne l’enveloppe pas. Quand la mort fait son office, c’est toujours la chair qui parle.

    « La forme pure ». C’est autour de la Poule d’eau de Witkiewicz (suicidé en 1939 en Pologne) que s’articule la pièce de Jean-Marc Musial. C’est là seulement que les mots apparaissent, répétés, extérieurs. Le travail du corps leur fut préalable inspiré de la bio-mécanique de Meyerhold développée dans la Russie stalinienne, apologie du « geste utile».  Inspiré aussi  du travail de Grotowski sur le théâtre Kabuki. « Maîtrise de soi, conscience de soi dans l’espace, esthétique » : Jean-Marc Musial revendique ici un héritage théâtral. Le spectacle présenté ici après six mois d’approche, est une « pré-existence », affirme-t’il, un premier recul vis-à-vis d’une théâtre ambitieux et intime. Cette mise en mouvement superbe mérite largement que l’on s’y arrête : Pour consentir à cette beauté qui ne dit mot.
     

    Cécile Rognon



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