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Existences particulières
STRASZNY !
Existences particulières
« La réalité prend certaines formes uniquement par jeu, pour créer l’illusion. Quelqu’un est homme, quelqu’un d’autre cafard, mais aucune de ces formes n’atteint l’essence, elles ne sont qu’un rôle momentanément adopté, une peau qui sera bientôt rejetée. Il s’agit là d’un monisme extrême de la matière pour laquelle les objets ne sont que des masques (…) Tout cela est empreint d’une atmosphère de coulisses où des acteurs débarrassés de leurs costumes rient aux larmes de leurs rôles pathétiques ou tragiques. Dans le fait même d’une existence particulière, il y a de l’ironie, de la blague, de la bouffonnerie, comme si l’on vous tirait la langue. » Stanislas Ignacy Witkiewicz
NIETZSCHE / Pierre-Antoine André
Et toujours de nouveau, l'espèce humaine décretera de temps en temps : " il y a quelque chose dont on a absolument pas le droit de rire", et le plus prévoyant des philantropes ajoutera :"non seulement rire et la sagesse joyeuse, mais encore le tragique, avec toute sa sublime déraison font partie des moyens et nécessités pour conserver l'espèce !". et par conséquent ! Par conséquent ! Par conséquent ! Me comprenez-vous ô frères ? Comprenez-vous cette nouvelle loi du flux et du reflux ? nous aussi nous aurons notre heure !
Le gai savoir, Nietzsche
BAJON / Franck Andrieux
"Mes bras alors n'étaient plus qu'articulations et moignons de chair rouge parsemée de poils bruns. Mon corps malingre n'était plus ce totem érigé à la création absolue mais un arbre mort figé dans une position d'homme.
Froid, soudain comme il fit froid.
Les brisures du gel et l'onglée qu'il occasionne me firent une parure dont je ne pus me ressaisir.
Je m'écroulai à même la terre, j'oubliai le monde.
Journal de Bajon - Jean-Marc Musial
OPHÉLIE DE L'HÉCATOMBE / Stéphanie Cliquennois
Je préfère errer seule parmi les tombes, errer nue comme une Ophélie de l'hécatombe
Tonnerre ! Tonnere ! Tonnerre !
Respire mes pieds écorchés, attirés par la lumière.
Regarde-moi.
Je quitte l'ombre pour en chercher une qui ne veut pas se révéler.
Le chaos est en son centre.
Ecoute l'inutilité de mon geste.
La guerre est au fond de mon ventre
Qu'as-tu besoin, toi, de t'y préparer ?
Regarde.
J'engloutis tant d'eau, j'en déborde.
Tu as tellement de chance, tout cela restera muet.
Ophélie de l'hécatombe-Jean-Marc Musial
L'INSPECTEUR TURENNE ou L'HOMME QUI / Rodolphe DESMEDT
Salut.
Alors voyons : qui es-tu toi ?
Hein ?
Pourquoi me regardes tu comme ça ? Je ne suis pas folle : je te demande qui tu es ?
Pinocchio.
Et ton père, il s'appelle comment ?
Père.
Et ta mère ?
Mère.
tu es né où ?
...
T'as fait quoi après être né ?
Affabulazione -Pier Paolo Pasolini
LAURE / Virginie Di Ricci
Eviter les contacts avec tout être en lequel on ne ressent aucune résonnance possible à l'égard de ce qui vous touche au plus profond et envers lequel on a des obligations de "gentillesse", de politesse. Puisque les dites obligations m'engagent fortement dès que je me trouve en présence des êtres et qu'elles m'engagent par une néfaste habitude de patience et de bonne volonté, qui en fait devient volonté d'abaissement (parfois abject). Imaginez que par gentillesse un musicien d'orchestre prenne le ton du voisin qui joue faux.
Fuir - mais littéralement fuir - ceux avec lesquels on ne peut échanger que des remarques absurdes sur d'autres qui leur ressemblent et que l'on a vus la veille échangeant les mêmes remarques, ou potins aussi vains, sur l'interlocuteur du jour même.
Il y a certaines gens qui finissent par fréquenter et même par qualifier d'amis ceux qui les dénigrent constamment.
Je hais la bonté et la gentillesse qui ne m'ont jamais conduite qu'à l'abaissement.
Garder le silence comme autrefois. Cela vaut mieux.
Mépris de ceux dont dont la conversation se ramène à tout ce que j'ai haï et fui : à un certain esprit de vulgarité et de mesquinerie.
Le côté vaudeville, ils finissent par s'y sentir à l'aise.
Fragment d'un cahier écrit en 1937, Colette Peignot
MERLEAU / Gronoff
Pourquoi vous faites ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Je comprends pas ce que vous dites.
POLLOCK mon cul !
Pourquoi vous faites ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Je comprends pas ce que vous dites.
PICASSO mon cul !
Pourquoi vous faites ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Je comprends pas ce que vous dites.
MALEVITCH mon cul !
Pourquoi vous faites ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? comprends pas ce que vous dites.
MUNCH mon cul !
Pourquoi vous faites ça ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Je comprends pas ce que vous dites.
...
Adresse aux spectateurs
CONTREPOINT / Sarah Duthille
Troisième crachat.
Constat d'échec.
La solitude n'est plus qu'un moyen, c'est notre incapacité à agir qui est la plus pénible à supporter.*
*n'en a-t'il pas toujours été ainsi ?
Les journées d'un suspendu, Jean-Marc Musial
ELISABETH FOERSTER / Doreen Vasseur
En avril 1945, un papetier de Stargard, dans le Mecklemburg, résolut de tuer sa femme, sa fille de quatorze ans et lui-même. Il avait entendu parler par des clients du mariage et du suicide d'Hitler.
Officier de réserve pendant la Première guerre mondiale, il possédait encore un révolver, plus dix cartouches.
Lorsque la femme arrive de la cuisine avec le dîner, il était debout près de la table et nettoyait l'arme. Il avait la croix de fer au rebord du veston, comme il ne la mettait d'habitude que les jours de fêtes.
Le Führer a choisi de se donner la mort, répondit-il à sa question, et il lui restait fidèle. Elle, son épouse, est-ce qu'elle était prête à le suivre jusque là. Pour sa fille, il ne doutait pas qu'elle préféra une mort honorable de la main de son père à une vie déshonorée.
Il l'appela. Elle ne le déçut pas.
La Croix de Fer, Heiner Müller.
L'ESPRIT DE LA MÈRE / Catherine Lheureux, Christine Eme
Lamentations
Je suis la mère, je suis la mère, je suis la mère
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