Le sommeil ouvre sur d’autres mondes

- 70x100cm - Encre sur papier d’Arche- Musial 2010

Dans ce dessin de Musial l’héritage de Goya est évident.

Il s’inspire en effet de la planche n°43 des Caprices (Los capricos), série de 80 gravures réalisées entre 1787 et 1799 par l’artiste espagnol.

La gravure en question était initialement destinée à être le frontispice de l’œuvre.

Il s’agit d’un autoportrait de l’artiste, représenté assoupi, la tête entre les bras, assailli par une horde d’animaux traditionnellement associés au Sabbat et à la sorcellerie : chat, chouette (symbole de la folie) et chauve-souris (symbole de l’ignorance).

La version du Prado est accompagnée du texte suivant : « La fantasia abandonada de la razon produce monstruos imposibles unida con ella es madre de las artes y origen  de sus marabillas » ; (La fantaisie, abandonnée par la raison engendre des monstres impossibles ; unie à elle, elle est mères des arts et origine de leurs merveilles)

L’œuvre peut-être lue comme une adhésion à l’enthousiasme des Lumières pour la raison, ou au contraire comme un hommage à l’esprit romantique qui encourage l’artiste à laisser libre cours à l’imagination, à ses émotions et même à ses cauchemars.

Les interprétations plus récentes mettent en avant les implications freudiennes d’une telle image qui a été une source d’inspiration et de réflexion pour la modernité, notamment les artistes Jack et Dinos Chapmann.

Le dessin de Musial est né de sa confrontation avec l’œuvre de Goya au cours de son séjour en Espagne. Mais cette création dépasse le statut de simple étude. En changeant la légende de l’œuvre pour une citation extraite de la pièce Calderòn de Pier Paolo Pasolini, Musial s’approprie la gravure du peintre espagnol et l’engage dans une nouvelle herméneutique. Le sommeil ouvre sur d’autres mondes. En passant par un autre monde, ce qu’on laisse alors en route, dans un tel voyage d’un songe à l’autre est un mystère, peut-être rien. Peut-être rien justement… ».

Calderòn s’inspire de la pièce de théâtre baroque du siècle d’or « La vie est un songe » de Piedro Calderon de la Barca. Non seulement cette citation relie le dessin à l’œuvre dramatique à travers la thématique du sommeil et de l’illusion onirique, mais elle l’inscrit aussi dans la continuité de l’œuvre théâtrale de Musial.

Celui-ci a en effet mis en scène « Calderòn, la représentation de la représentation » avec Virginie Di Ricci. L’œuvre est présentée en 2002 à la première Biennale des arts numériques de la Villette à Paris et au Phénix de Valenciennes. Tragédie palimpseste confrontant théâtre, cinéma argentique, vidéo et images de synthèse, elle retrace l’histoire espagnole depuis les Menines de Velázquez jusqu’à l’après franquisme. L’œuvre choisie par Musial pour l’exposition est postérieure à la mise en scène de Calderòn et se présente comme une véritable synthèse. Elle reprend à son compte non seulement la fascination de Musial pour Goya (auquel il s’est confronté notamment au cours d’un séjour en Espagne en 97/98) mais aussi tous les thèmes considérés par la pièce de théâtre Calderòn.

Exposition Pour l’Amour de Goya – Galerie EGP Paris – 2010.