• Gestes et opinions

    Vient de paraître le livre d'Emilie Violette-Pons

    "Le contre-chant disloqué de Jacques DUPIN

    Editions Hermann

     

     

    (...) On peut enfin citer l'exposition faite par l'artiste-plasticien Jean-Marc Musial en 2010, "Trait pour trait", à la Galerie E.G.P de Paris. Ses dessins réalisés entre 2007 et 2010 à la plume et à l'encre de chine à main levée sur du papier Ingres sont nés d'un dialogue avec la poésie de Jacques Dupin et avec le poème lui-même, et reprennent des poèmes issus de recueils variés, dont entre autres, "Lichens" de "À l'aplomb" de Gravir, "Moraines" de L'embrasure, "Trait pour trait", "Le lacet" "Ou meurtres" de Dehors, "Tiré de soie", "Une écharde" et "Chanfrein" d'Échancré. Ce choix de poèmes a été "purement intuitif, sans rechercher une quelconque dramaturgie", au bénéfice d'une libération "du geste et du jeté" qui fait du dessin une "scorie", à l'image du poème dupinien.

        Jean-Marc Musial, touché par une lecture faite par Jacques Dupin de La folie du jour de Maurice Blanchot en septembre 2007 au Petit Palais, souhaite "retranscrire avec sa plume et son trait noir les émotions si particulières du poète"* en recourant à une humble technique du peu.  Dans les œuvres exposées dans "Trait pour trait" en 2010, Jean-Marc Musial rassemble les plumes du poète et de l'artiste, pour faire à la fois apparaître et disparaître le poème dans le dessin qui devient le corps du poème. Marqué par les paradoxes qui habitent la création de Dupin, Musial transcrit la "simultanéité et les points de fusion" que son imagination doit chercher en relevant le défi d'"écrire le dessin et dessiner le poème". Musial témoigne aussi des échanges qu'il a eus avec Dupin à propos de ses dessins : "entre nous la parole est une surface résonnante". Jean-Marc Musial  partage la manière noire du poète, comme si le poème se dessinait sous la plume de l'artiste qui lui offre un autre corps que son premier corps de mots, avec un corps fait de points, de lignes, de visages, de taches d'encre et d'éclats. La page, violemment occupée par les traits ou les formes d'encre, témoigne de l'énergie et des tensions à l'œuvre dans l'écriture dupinienne à travers un trait qui paraît à la fois fluide et heurté, comme si les gestes de l'artiste et du poète s'élevaient de concert sur la page. Ainsi, en résonnance, le geste du dessinateur recréé une mémoire de l'écriture dupinienne en l'incrustant dans son dessin : partir du poème pour y revenir, l'oublier mais aussi le remémorer, dans une forme de choralité pour plume et voix fondée sur une partition commune, comme dans le dessin "Une écharde" : 

     

    Ainsi, l'écriture dupinienne a ceci de puissant qu'elle suscite, à toutes les époques, le désir de création d'autres artistes qui aspirent à unir leurs voix et leurs gestes à ceux de Dupin, rêvant d'entrelacer à l'infini leurs souffles à celui de Dupin, en un humble concerto qui naîtrait d'une même partition, en conjuguant, encore, un chant et un contre-chant. (...)

     

     

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    Immense tristesse et désarroi d'apprendre la mort de Natacha Isaeva le 13 janvier 2021 à Paris.

    Historienne de la philosophie, historienne du théâtre, sanskritologue, traductrice, qui travaillait avec Anatoly Vasiliev depuis 2001. Perte insondable.

    Venue assistée au Débat du cœur le samedi 18 décembre au théâtre de l'Atalante,  je la rencontrai alors pour la première fois et nous devions nous revoir très vite. Je l'ai aimée tout de suite. Ce fut sa dernière pièce. Elle portait un joli béret noir, c'était une "fille de coeur" au sens d'Antonin Artaud. Natacha Isaeva  traduisait notamment Artaud en russe.

    "Merci beaucoup, Virginie, ma très chère! Hier j’ai soudain vu sur scène un niveau de compréhension et un niveau de sensations éprouvées elles-mêmes, que je n'attends généralement pas des productions françaises... Vous êtes juste incroyables!  Nous devons absolument nous rencontrer.  Peut-être la semaine prochaine - ou après le Nouvel an.  à votre convenance.   Merci encore une fois!   Et est-ce que pourriez me tutoyer? De quelque façon je suis aussi du monde de théâtre)))

     

    Pour présenter  son parcours exceptionnel, ce discours prononcé par le ministre  lors de la cérémonie de remise des insignes de chevalier des Arts et des lettres : 

     

    http://www.rddv.fr/2007/03/27/remise-des-insignes-de-chevalier-dans-l-rsquo-ordre-national-des-arts-et-des-lettres-agrave-natacha-isaeva/?fbclid=IwAR2LeABmCRg3Y2pbp6v1MEk54UmEmafoD52vX9vXYR32_l-GNsjg_gBM7O8

     

    ________________Adieu Natacha

     

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    Dessin - Portrait de Colette Thomas par Antonin Artaud

    Photo en-tête - Débat du cœur au théâtre de l'Atalante©Terribilità

     

     

     

     

     

     

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     https://editions-prairial.fr/le-testament-de-la-fille-morte.html

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    https://lelivresansvisage.blogspot.com/2021/08/colette-thomas-vivante.html

     

     

     

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    https://www.lespressesdureel.com/ouvrage.php?id=7018

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    Cette publication collective examine les points de rencontre multiformes qui existent dans l'histoire de l'art du XXe siècle entre les artistes et l'archéologie mais aussi entre les archéologues et l'art contemporain. Elle rassemble des textes scientifiques mais aussi des entretiens menés auprès d'artistes et de chercheurs des deux disciplines.

    Edité par Michaël Jasmin et Audrey Norcia.
    Textes de Alain Schnapp, Sophie Lacroix, Barbara Satre, Anne & Patrick Poirier, Audrey Norcia, Roula Matar-Perret, Georges Didi-Huberman, Laura Castro, Dragos Gheorghiu, Morad Montazami, Michaël Jasmin, Juliette Singer, Pierre-Jean Trombetta, Catherine Breniquet, Dominique Jarassé, Luisa Giacobbe, Jérôme Moreno, Virginie Serna, Jean-Paul Demoule, Io Paschou, Yves Le Béchennec, Emmanuelle Jacquot, Isabelle Gaulon, Anne-Violaine Houcke, Virginie Di Ricci, Jean-Marc Musial, Éric Rondepierre.
     
    2021 (parution prévue au 1er trimestre)
     
    édition française
     
    ISBN : 978-2-37896-070-4

     

    EAN : 9782378960704
     
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    Editions les cahiers

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    Soirée de lancement Cahiers Sade n°1

    Librairie le Monte-en-l'air - Paris 

    Vendredi 11 septembre 2020 à 19h30

     

    *

    L’œuvre de Sade, sa réception et ses répercussions dans la littérature du XXe siècle, apporte une clé pour comprendre l’avènement d’un nouvel âge littéraire recentré autour du désir, mettant en question la représentation, renonçant aux règles du bien dire et revendiquant l’originalité et l’authenticité, selon les mots de Michel Delon.
    Leiris, Artaud, Bataille, Laure… Tous ces auteurs ont été marqués d’une manière ou d’une autre par l’œuvre de Sade. Et aujourd’hui ? Les Cahiers Sade ont pour ambition d’offrir une série d’éclairages originaux sur l’œuvre et de la faire dialoguer avec des œuvres du temps présent et d’autres continents. Les horizons divers des contributeurs de ce premier numéro permettent une lecture croisée de Sade et de son œuvre comme de son héritage dans la réflexion et la création du XXIe siècle (arts plastiques, théâtre, poésie…). 

    Sylvain Martin, ( Directeur de la publication) 

     

    « Le passé m’encourage, le présent m’électrise, je crains peu l’avenir. »

    Sade

     

    Le numéro un des Cahiers Sade se divise en cinq catégories : entretiens, mise en perspective, études, créations littéraires, créations visuelles.

    entretiens 

    Entretien avec Thibault de Sade
    Entretien avec Philippe Sollers

    mises en perspective 

    Clovis Trouille, une peinture aux couleurs du marquis (C. D. Calcutt)
    Manifeste pour un théâtre sadien au xxie siècle. Sade-Charenton, les larmes de sang, Turin, avril 2000 (Virginie Di Ricci, Jean-Marc Musial)
    « Si Sade était une organisation économique quel serait son but ? » (Cyril Hériard-Dubreuil)
    Salò-Sade, un chant dʼamour. Sur quelques idées, bonnes et mauvaises, de Serge Daney (Hervé Joubert-Laurencin)
    Lire Sade en chinois : un projet de traduction lancé à shanghai (Zhang Qianru)

    études 

    Dans lʼenfer des chiffres : Sade pour penser la gériatrie (Benjamin Efrati)
    Le parfum de Sade (Isabelle Goncalves)
    Sade antiquaire : un dialogue avec le XXIe siècle (Juan Manuel Ibeas-Altamira)
    Parallèle entre la Chine et lʼÉgypte chez Sade (Shasha Ma)
    Sade domestiqué (Émilie Richard)
    Lʼimage de Sade dans les romans noirs de Pétrus Borel ( 1809-1859 ) (Yanan Shen)
    Florilège (Textes choisis et rassemblés par Sylvain Martin)

    créations littéraires 

    Raccolta della manna (Gilbert Bourson)
    Le château-lyre (Gilbert Lely)
    Les cafards dansent autour des poubelles (Élodie Petit)

    créations visuelles 

    Yohann Blanco, Jean-Marc Musial, Thomas Perino, Xavier Tchili

     

    Avec le soutien du CNL et de la Région Bourgogne Franche-Comté.

     

    Cahiers Sade 1 dir. de la publication : Axelle Felgine et Jean-Sébastien Gallaire

    dir. de la rédaction : Sylvain Martin

    nombre de pages : 264 p.

    illustrations : 12 p. couleurs format : 16,5 x 24 cm

    ISBN : 979-10-95977-07-7

    prix : 29 euros

    parution : 28 août 2020

    périodicité : annuelle

     

    Contact presse et bibliothèques Axelle Felgine contact@editionslescahiers.fr Tél. 06 46 35 08 22

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     L'Aurore - F. Nietzsche 

       119 - Expérimenter et imaginer.

     

     

     

     

     

     

     

     


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  • https://www.franceculture.fr/emissions/toute-une-vie/sophocle-495-406-lavant-garde-tragique

     

    "Un documentaire d' Alexandre Breton, Sophocle, l'avant-garde tragique, réalisé avec Yvon Croizier
     
    Samedi 10 avril 2021, 15h et en replay
    Toute une vie, France Culture
     
    Vous aurez le plaisir d'y entendre la parole inspirante & féconde de Cleo Carastro, Florence Dupont, Pierre Judet de la Combe, André Wilms ; d'y savourer des lectures offertes par Virginie Di Ricci sur des traductions du poète par Jean & Mayotte Bollack, Florence Dupont, Friedrich Hölderlin & Paul Mazon ; de rêver avec Stravinsky, Mendelssohn, Pizzetti, Carl Orff...
     
    L'œuvre de Sophocle reste une énigme. Cette énigme fertilisa des siècles jusqu'à nous, passant par Aristote, Shakespeare, Racine, Hegel, Nietzsche, Freud, Pasolini, Müller & Bene...
    Aussi éloignée de nous soit-elle, cette œuvre - ce qui nous en est parvenu - ne cesse de fasciner, de nous interroger, ne cesse d'être en attente : de ses lecteurs, de ses spectateurs, de ses acteurs, de ses héritiers...
     
    A l'instar de tous les chefs-d'œuvre, elle & son interprète restent à venir."
     
     

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  • .. Mais le raccourci pédestre par la vallée du Cavalon est un plus beau chemin : d'abord l'étroite voie gallo-romaine encaissée entre de petits murs à demi écroulés, puis, durant plus d'une heure, la traversée des chaps, des oliveraies et des vignes. La Coste, dominant tout l'admirable paysage, grandit et se précise pau à peu, comme un trésor longtemps convoitée et que bientôt l'on va saisir.

    Le village habité monte en pentes abruptes jusqu'à la porte occidentale des vieux remparts. On marche maintenant dans le haut village abandonné, le long des maisons en ruine qui montent une garde fantomatique au pied de la résidence du marquis. A droite un antique escalier tourne entre des oubliettes béantes. Il est gravi avec angoisse. Et soudain, sur notre poitrine, toute la façade orientale comme à l'instant de s'écrouler et d'ensevelir l'idolâtre sous sa masse gigantesque assaillie par le mistral...Le cellier s'ouvre comme un antre ; des fragments de colonnes, phallus de titans, y sont couchés. Plus loin, toujours sur la même façade, fendue longitudinalement par une profonde lézarde, on accède, en gravissant un éboulis de pierre, à une vaste salle voûtée du premier étage (au mois de mai 1948, lors de notre dernière visite au château, cette rampe de décombres, après une insolite saison pluvieuse

     

    Mais il faut la souveraineté du poème pour dire l'émotion de la route, le vertige de l'arrivée, la leçon ardente des ruines :

    Derrière nous le Lubéron, pareil au mont hymette,

    Bonnieux, étage du baiser, à mi-hauteur de l'exorable ;

    Sur le vieux chemin de la plaine le prologue des amandiers.

    Novembre étonnait ton sommeil.

    Dans l'air torrentiel et blanc je parlais de celui que nous allions voir.

     

    Cathédrale du ciel physique, le château de La Coste grandissait ;

    Nous discernions un dieu captif appuyé sur une lyre.

    ---- La Coste, avec le seul honneur du vent féal !

    Qui désigna jamais cette horloge charnelle,

    ce cerveau géant sous la nue,

    Cette idole insultée clamant dans la lumière sa fabuleuse créance ?

     

    Salut, famine et pain, savoir et frénésie !

     

    Debout dans la gravitation des certitudes,

    L'ombre magnétique de Sade nous répondait  de notre amour.

     

    L'unité-reine scintilla.

    Le monde se prouvait. Rien n'était plus épars.

    O murs hyménéens, pandectes de l'Azur !

    O creusets d'une alliance incorruptible !

     

    Toi, l'espace, les monts, Sade, les jours futurs,

    La volupté, le verbe, en un seul diamant.

     

    Gilbert Lely


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  •        

     

              "Sortie par trois fois de son berceau plurimillénaire - hauts plateaux d'Asie centrale, contreforts himalayens - la peste a déferlé sur l'Europe aux VIe, XIVe et XIXe siècles. De ces trois pandémies, la première fut dite "peste de Justinien" parce qu'elle atteignit sous son règne, en 541, le bassin méditerranéen ; durant deux siècles, jusqu'en 767, la peste cabota de l'Egypte au Bosphore et d'Antioche à l'Espagne. sur le continent, elle ne remonta pas au-delà de Trèves ; l'Angleterre fut épargnée et l'épidémie de 664 fut peut-être due à la variole, certainement pas à la peste, bien que relatée sous ce nom par Bède le Vénérable ; mais jusqu'au XVIIIe siècle, une équivoque persista : pestis - le fléau - et pestilencia désignent, qu'elle qu'en soit la nature, n'importe qu'elle épidémie d'une certaine importance.

             Epargnée par la première pandémie, l'Angleterre fut ravagée, comme l'ensemble de l'Europe, par la seconde, la peste noire ou grande peste du Moyen Age. Cette fois encore, l'Europe fut atteinte par son littoral méditerranéen ; en 1347, les Génois occupaient en Crimée le comptoir de Caffa ; lorsque l'armée tartare du Khan Djanisberg vint y mettre le siège, les Génois repoussèrent l'assaillant avec tant de vigueur que celui-ci capitula ; mais la peste affectait l'armée tartare et Djanisberg fit catapulter des cadavres de pestiférés par dessus les murailles. Les Génois eurent vite fait de comprendre le danger ; ils s'embarquèrent en hâte, mais emportèrent avec eux l'infection qu'ils disséminèrent au fur et à mesure de leurs escales : Constantinople, Messine, Chypre, Venise, Naples, Gênes, furent atteintes et relancèrent à leur tour l'infection vers des ports indemnes. Le Ier novembre 1347, la peste débarquait à Marseille. Pénétrant dans les terres, elle envahissait l'Italie, la France, l'Espagne, atteignant l'Atlantique à Bordeaux en juillet 1348 et les ports d'Angleterre dans les semaines suivantes : Melcombe-Regis (Weumouth), où une pierre marque encore ce débarquement de la peste, fut le premier atteint (pour certains, dès juin même, par Calais plutôt que par Bordeaux), Southampton, Bristol, Gloucester suivirent, et, le 29 septembre 1348, la peste entrait à Londres. S'étendant à l'arrière-pays, elle infectait les deux tiers de l'Angleterre durant 1349. En 1350 l'écosse était atteinte à son tour, seul son centre fut peut-être épargné.

            Dans le même temps, la peste poursuivait son périple autour du continent et, par la mer du Nord et la Baltique, envahissait le Danemark, la Norvège, l'Allemagne, la Pologne et, en 1352, la Russie d'Europe.
    Ainsi, en mois de quatre ans, de 1348 à 1352, la Mort Noire avait conquis la totalité de l'Europe avec une incroyable rapidité. En moins de quatre ans, elle avait fait 24 millions de morts, soit entre le quart et le tiers de la population. D'après Froissart "bien la tierce partie du monde mourut" et, selon le distique d'un chroniqueur bourguignon :
                                                                   A Nuits de cent restèrent huit
                                                                   En mil trois cent quarante huit

             Encore n'était-ce là qu'une première saignée, le début d'une longue mainmise sur l'Europe : à ces quatre années de Mort Noire succédèrent, selon les pays, trois à quatre siècles d'une mortalité plus ou moins continue. Jusqu'à la fin du XVe siècle, la peste parcourt l'Europe suivant un mode serpigineux, disparaissant ici, réapparaissant là, s'acharnant sur certaines villes, telle Londres frappée à nouveau en 1360,1362,1368,1369,1375,1382, puis de 1405 à 1407, en 1426, de 1433 à 1438, en 1454 encre, et presque sans interruption, de 1464 à la fin du XVIe siècle.

            Peu à peu, à partir du XVIIe siècle, pour des raisons que bactériologistes et épidémiologistes commencent de comprendre, la peste desserre progressivement et inégalement son emprise : elle disparaît de Florence de France en 1786, d'Italie en 1816, d'Espagne en 1820. Si elle a libéré l'Angleterre dès 1668, Londres aura connu d'effroyables mortalités : 36 000 morts en 1603, 35 000 en 1625, 10 000 en 1636, 70 000 en 1665-1666, l'année de la peste relatée par Defoe.

           Plus que les deux premières, la troisième pandémie mérita bien son nom, car elle toucha effectivement tous les peuples, de 1894 à 1920. Atteignant Hong Kong en 1894, Bombay en 1896, la peste y trouva ce qui devait assurer sa fortune définitive : la navigation à vapeur. Durant des siècles, la lenteur de la marine à voile avait contraint la peste au cabotage, lui interdisant toute navigation hauturière : la lenteur des traversées excédait la brièveté de la maladie. Nul navire infecté quittant l'Europe ne pouvait espérer atteindre, vivant, le Nouveau Monde et ces voiliers errants, que nul ne dirigeait plus, ont participé à la naissance du mythe du vaisseau fantôme.

           Par leur rapidité les steamers dispersèrent la peste dans tous les ports du monde : à Suez en 1897, à Maurice et Madagascar en 1898, à Marseille, à Sydney, à Glasgow et à San Francisco en 1900, à Honolulu en 1908, à Java en 1911, à Ceylan en 1914, à Manille en 1920. Cette même année 1920, une péniche de charbon venue de Londres débarqua la peste à Paris, au canal de Saint-Ouen.

            C'est durant cette troisième pandémie que l'homme pénétra les secrets de la peste. La découverte du Bacille responsable par un élève de Pasteur, Alexandre Yersin, apportait enfin en 1894 la réponse à l'une des plus angoissantes ignorances qu'ait connues l'humanité. Pendant des siècles les hommes vécurent dans l'insupportable incompréhension de la peste. Ni la conjonction des planètes, ni la vieille théorie des miasmes, ni l'invocation d'un châtiment divin, ni les "semeurs de peste" ne pouvaient expliquer le fléau. La découverte de Yersin apportait à la fois l'explication et l'espoir d'une prophylaxie.

           Tout aussi capitale fut la découverte par Yersin du rôle du rat, commis voyageur de la peste, capable de la disséminer au cours de ses déplacements par terre comme par mer.

          Restait à découvrir comment le bacille de Yersin passait du rat à l'homme, éventuellement d'individu à individu. Yersin lui même ne le soupçonnait pas et le 2 juin 1894, il terminait ainsi une lettre annonçant sa découverte à sa mère : " Adieu, chère maman, lave-toi les mains après avoir lu ma lettre pour ne pas gagner la peste." Il faut attendre encore quatre ans pour que P.L. Simond, en 1898, révèle au monde scientifique incrédule le rôle de la puce dans la transmission de la peste : ce jour-là, écrit-il, le 2 juin 1898, j'éprouvais une émotion inexprimable à la pensée que je venais de violer un secret qui angoissait l'humanité depuis l'apparition de la peste dans le monde." A ces trois découvertes majeures, W. M. Haffkine, en 1897, ajoutait celle du vaccin antipesteux. Ainsi, le siècle finissant voyait l'homme capable de maîtriser la peste."

     

    Préface de Henri H. Mollaret au Journal de l'année de la peste de Daniel Defoe.


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    Nouvel Opus de Michaël/le Grébil Liberg.

    Un coffret arcane autour du chiffre 17 et de l'arcane correspondante, l'Estoille.

    Un voyage talismanique au travers d'un double Hörspiel ("SECUS≈SPIRO"), un film ("137"), des textes, ymages...

     

    Le coffret est disponible sur la page Bandcamp de Thödolrecords, sous sa version physique, où numérique :

     

    https://thodolnetlabel.bandcamp.com/album/le-disisepti-me-signe-the-seventeneth-sygne

     

     

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  • Ci-gît 

    Nurse with Wound

    To another awareness

    bande-son de Ci-gît d'Antonin Artaud, éditions Lenka lente, octobre 2018.

     


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  • Varese-Entretiens (suite) par Stentor16-8-4


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    La fin de Satan, c’est fini ! Pacôme Thiellement en résidence au Monte-en-l'air

     

    La résidence « Satan Trismégiste » a commencé le jeudi 7 mars 2013 et s’est achevée le mercredi 22 janvier 2014. C’est grâce à la librairie surnaturelle Le Monte-en-l’air que tout a eu lieu, grâce à Fabrice Cysique, à Guillaume Dumora et à la sublimissime Aurélie Garreau. Et si cette résidence s’est doublée d’un théâtre de vidéos sur viméo, c’est grâce à Remue.net, à Guénaël Bontouillet, à Patrick Chatelier et à l’inimaginablement fabuleuse Marjolaine Grandjean. 
    Ici vous avez tous les liens pour les vidéos que Marjolaine a filmées avec rigueur et toujours un magnifique sourire le long de la résidence au Monte-en-l’air. 
    L’idée était et est de faire le lien entre les grandes « gnoses » (qu’il s’agisse du gnosticisme à proprement parler ou de ses extensions typeIshrâqîyûn [1] ou pensée traditionnelle guénonienne [2]) et la pratique carnavalesque et cruelle, de la pataphysique à Hara-Kiri
    Pourquoi ? Pour lutter contre l’ennui, la dépression, le sentiment du malheur, le sentiment de l’inéluctable injustice. 
    Et parce que c’est beau. 

     

    http://www.criticalsecret.net/pacomethiellement-epilogue-en-liens-epilog-such-as-links,148


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  • Dessin de Sylvie LOBATO  - Merci Sylvie -

    (réminiscence du "Van Gogh, le suicidé de la société" le 7/01/2014)

    "C'est ainsi que les quelques rares bonnes volontés lucides qui ont eu à se débattre sur la terre, se voient à de certaines heures du jour ou de la nuit, au fond de certains états de cauchemars authentiques et réveillés, entourés de la formidable succion, de la formidable oppression tentaculaire d'une espèce de magie civique que l'on verra bientôt apparaître dans les mœurs à découvert." Antonin Artaud

     

    Sylvie LOBATO


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  • FUGUE DE MORT - Paul CELAN - 1945

    Lait noir de l'aube nous le buvons le soir

    le buvons à midi et le matin nous le buvons la nuit

    nous buvons et buvons

    nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré

    Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit

    il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d'or  

    écrit ces mots s'avance sur le seuil et les étoiles tressaillent il siffle ses grands chiens  

    il siffle il fait sortir ses juifs et creuser dans la terre une tombe  

    il nous commande allons jouez pour qu'on danse

    Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit

    te buvons le matin puis à midi nous te buvons le soir

    nous buvons et buvons

    Un homme habite la maison il joue avec les serpents il écrit  

    il écrit quand il va faire noir en Allemagne Margarete tes cheveux d'or

    Tes cheveux cendre Sulamith nous creusons dans le ciel une tombe où l'on n'est pas serré

    Il crie enfoncez plus vos bêches dans la terre vous autres et vous chantez jouez

    il attrape le fer à sa ceinture il le brandit ses yeux sont bleus

    enfoncez plus les bêches vous autres et vous jouez encore pour qu'on danse

    Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit

    te buvons à midi et le matin nous te buvons le soir

    nous buvons et buvons un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or

    tes cheveux cendre Sulamith il joue avec les serpents

    Il crie jouez plus douce la mort la mort est un maître d'Allemagne

    il crie plus sombres les archets et votre fumée montera vers le ciel

    vous aurez une tombe alors dans les nuages où l'on n'est pas serré

    Lait noir de l'aube nous te buvons la nuit

    te buvons à midi la mort est un maître d'Allemagne

    nous te buvons le soir et le matin nous buvons et buvons

    la mort est un maître d'Allemagne son oeil est bleu

    il t'atteint d'une balle de plomb il ne te manque pas

    un homme habite la maison Margarete tes cheveux d'or

    il lance ses grands chiens sur nous il nous offre une tombe dans le ciel

    il joue les serpents et rêve la mort est un maître d'Allemagne

    tes cheveux d'or Margarete

    tes cheveux cendre Sulamith


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  • Coucher de soleil à Montmajour - Van Gogh 1888

    Coucher de soleil à Montmajour - Van Gogh 1888

     

     

    "..C'est drôle qu'un de ces soirs-ci à Mont Majour j'ai vu un soleil couchant rouge, qui envoyait des rayons dans les troncs et feuillages de pins enracinés dans un amas de rochers, colorant d'orangé feu les troncs et les feuillages, tandis que d'autres pins sur des plans plus reculés, se dessinaient bleu de Prusse sur un ciel bleu vert tendre, céruléen. C'est donc l'effet de ce Claude Monet, c'était superbe. Le sable blanc et les gisements de rochers blancs sous les arbres prenaient des teintes bleues. Ce que je voudrais faire, c'est le panorama dont tu as les premiers dessins. C'est d'un large, et puis ça ne s'en va pas dans le gris, cela reste vert jusque dans la dernière ligne - bleue celle-là, la rangée de collines."...

    extrait de Lettre de Vincent à Théo 29 mai 1888

     

    "Hier j’étais au soleil couchant dans une bruyère pierreuse où croissent des chênes tres petits et tordus, dans le fond une ruine sur la colline et dans le vallon du blé. C’était romantique, on ne peut davantage, à la Monticelli, le soleil versait des rayons très jaunes sur les buissons et le terrain, absolument une pluie d’or. Et toutes les lignes etaient belles, l’ensemble d’une noblesse charmante. On n’aurait pas du tout été surpris de voir surgir soudainement des cavaliers et des dames revenant d’une chasse au faucon ou d’entendre la voix d’un vieux troubadour Provençal. Les terrains semblaient violets, les lointains bleus.    J’en ai rapporté une étude d’ailleurs mais qui reste bien en dessous de ce que j’avais voulu faire."

    extrait de Lettre de Vincent à Théo 5 juillet 1888


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  • "Dans un théâtre dégagé des contraintes du naturalisme, libéré de sa fonction sociale et didactique et organisé autour de la seule idée formelle, le spectateur doit vivre ses états métaphysiques qui constitueraient pour lui le bien suprême dans les temps présents."

    Stanilas Ignacy Witkiewicz

     

    Ce sont les événements et les faits, petits et importants, neutres et quotidiens, conventionnels, ennuyeux, ce sont eux qui créent la pâte de la réalité. Je les écarte de la voie du train-train quotidien, je leur donne de l'autonomie (dans la vie cela s'appelle inutilité), je les prive de motifs et de conséquences, je les tourne et les retourne, et dans cette action répétée je les pousse à mener une existence indépendante. Donc la question : "est-ce déjà de l'art?" ou "n'est-ce pas encore la vie ?" n'a plus d'importance pour moi. Le texte littéraire est aussi un "objet prêt" , formé plus tôt, en dehors de la sphère de réalité du spectacle et des spectateurs. Il est "objet trouvé" condensé au plus haut degré, qui a sa propre fiction, son illusion, son espace psycho-physique. Il est soumis aux mêmes lois que les autres événements et objets du spectacle.

    Tadeusz Kantor


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  • "La forme la plus fréquente de maladie mentale est la manie ou délire furieux. On ne doit cependant pas s'imaginer, comme le font souvent les profanes, que ceux qui en sont atteints se jettent forcement la tête la première contre les murs. Bien au contraire! Ce qui les caractérise, c'est une fureur calme, une tranquille habitude de la conspiration secrète et l'insolence de la pensée. En d'autres termes la : Mania anti-gouvernementalis".

    Psychopathia criminalis, Oskar Panizza 1898


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  • "L'abîme du mal en tant que problème, pour peu qu'on se penche sur lui frappe de précarité la corde que les hommes se passent pour y descendre et, si possible, en remonter. En toucher le fond, ce n'est jamais que prendre contact avec son foisonnement gluant et en éprouver l'horreur sans pouvoir, aux rayons d'une lampe vacillante, lui assigner de limites ni se convaincre, sans un captieux artifice, de sa nécessité. Cet artifice tient dans l'inculcation de l'idée de faute, originelle ou non, dont on ne saurait trop s'étonner et s'affliger qu'elle puisse être tenue communément comme raison admissible et suffisante en dépit de ce qu'elle laisse subsister d'iniquité criarde : monstrueuse disproportion entre, d'une part, un prétendu délit ancré dans l'immémorial, le mythique et, tout compte fait, l'indéterminable (par suite de l’ambiguïté symbolique) et, d'autre part, sa répression sous la forme des pires peines corporelles et autres infligées sans discernement et sans recours à l'ensemble de l'humanité. Ce goût de la vendetta éperdue et sans risques ne pouvait assurément trouver d'apologistes plus zélés que les ministres d'une religion qui a tendu de plus en plus à confondre son dieu avec l'instrument de son supplice, attribuant à celui-ci un sens de "rachat", sur quoi prendre exemple et aux calamités un sens d"épreuves" qu'il faille tenir pour la marque péremptoire de la sollicitude divine."

    André Breton - Préface au Concile d'Amour d'Oskar Panizza


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  • Interview Annie Le Brun par yellowcultureclub


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  • Pasolini  - Une vitalité désespérée

    ...

    - je suis comme un chat brûlé vif,

    écrasé sous les roues d'un gros camion,

    pendu par des gamins à un figuier,

     

    mais avec encore au moins six

    des sept vies qu'il possède,

    comme un serpent réduit en bouillie de sang,

    une anguille à moitié mangée

     

    - les joues creuses sous les yeux battus,

    les cheveux horriblement clairsemés sur le crâne

    les bras amaigris comme ceux d'un enfant

    - un chat qui ne veut pas crever, Belmondo

    qui "au volant de son Alfa Roméo"

    dans la logique du montage narcissique

    se détache du temps, pour mieux s'y insérer

    Lui-même :

    sur des images qui n'ont rien à voir

    avec l'ennui des heures à la file...

    avec la lente splendeur à en mourir de l'après-midi...

     

    La mort ce n'est pas

    de ne pas pouvoir se comprendre

    mais de ne plus pouvoir être compris

    ...

    Une vitalité désespérée -  Pier Paolo PASOLINI

    mort assassiné le 2 novembre 1975


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