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MODE D'EMPLOI
Claude-Bernard PEROT- L'Homme d'Orgie de Pier Paolo PASOLINI ms de JM MUSIAL
©Photo Fabienne WAXIN
MODE D'EMPLOI
(à l'usage des spectateurs d'Orgie de P. P. Pasolini)
Apportons, puisqu'il le faut, la preuve concrète d'une solution scénique.
Cassons le spectacle en laissant éclore l'"à présent".
Il n'y a pas dans ORGIA d'évolution dite "dramatique" au sens où les
personnages seraient en contact direct avec la réalité par le sens évolutif
des situations et des conflits contenus dans le texte.
Car dans ce théâtre de mots, il y a suppression d'action
pour mieux réaliser le drame.
IL FAUT DÉTRUIRE.
Surtout si les premiers sens sont le Chaos et le Discours,
et si les soubassements de l'oeuvre sont la Différence
et le fascisme ordinaire qui conditionne cette Différence.
Le sentiment d'abstraction qui surgit du texte d'ORGIA
vient de l'élan créateur, du saut de puce vers l'éternité.
"C'E STATO FINALMENTE UNO CHE HA FATTO BUON USO DELLA MORTE."
La réalité doit s'emparer de l'espace scénique.
C'EST LUI
qui a cassé le mur pour organiser au mieux son spectacle.
C'EST LUI
qui a disposé les meubles en cercle parfait.
C'EST LUI
qui a sorti son propre cadavre de la cuisine
pour mieux se pendre en avant-scène.
C'EST LUI
qui a payé quelques spectateurs pour assister à la cérémonie.
C'EST LUI
qui peut écrire sur le parterre de la scène
"JE NE VEUX PAS DE SUCCÈS".
C'EST LUI
qui a construit la MACHINE DE SADE,
gigantesque métronome de la paresthésie.
C'EST LUI
qui dirige le son et la lumière.
C'EST LUI
qui peint sur les murs de son théâtre :
"SENTIMENTO TRAGICO DELLA REALTA."
C'EST ELLE
qui, assise, de dos lui sert de modèle pour éxécuter
les deux grandes toiles qui sont exposées dans la cuisine.
C'EST ELLE
qui, revenue des morts, encore trempée de sa noyade,
entame un soliloque fiévreux jusqu'au centre de la scène.
C'EST ELLE
qui ne pleure jamais.
C'EST ELLE
qui tuera ses enfants.
C'EST ELLE
qui mourra en premier.
Mais avant, la douleur à jamais;
"AINSI, il y aura finalement un homme qui aura fait un bon usage de la mort."¹
Il aura vécu dans ce lieu pour y bâtir, seul, une tragédie,
transformer son rêve, dans lequel d'autres ne voyaient
qu'un caprice de petit-bourgeois, en une cathédrale échaffaudée
avec ses frères moins humains que lui.
Il aura payer les spectateurs et magnifié toutes les traces
de la quotidienneté en "ready-made" offert à l'absolu,
à l'abstraction.
Cette femme, la mythe, Médée, telle une droite invariable
"tendant vers" sans jamais atteindre, massacrant la lie de
son existence, aura erré parmi les restes de notre culpabilité
d'être au monde et d'exister.
Epreuve d'exorcisme, bien sûr, acceptation totale de leur Différence.
ET S'IL Y A HONTE C'EST POUR JOUIR.
S'IL Y A DES SACRIFICES CE SONT DES PLAISIRS MEURTRIERS
ARRÊTONS LE SIMULACRE !
ACCEPTONS LA VIE :
L'HOMME EST MAUVAIS ET INDUBITABLEMENT MÉCHANT.
IL N'Y AURA PAS DE RÉVOLUTION TOTALE.
JM MUSIAL -
¹Cit. Pascal
Tags : pasolini, orgie, orgia, jean-marc musial, sentiment tragique de la réalité
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