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Notre fleur est carnivore
HAUTE SURVEILLANCE de Jean Genet par Jm Musial.
YEUX-VERTS : "Ce n'est rien savoir du malheur si vous croyez qu'on peut le choisir ? Le mien m'a choisi. J'ai tout essayé pour m'en dépêtrer. J'ai lutté, boxé, dansé, j'ai même chanté, et l'on peut en sourire, le malheur je l'ai d'abord refusé. C'est seulement quand j'ai vu que tout était foutu que j'ai compris : il me le fallait total."
HAUTE-SURVEILLANCE affirme le nécessaire scandale de l'être brut : souterrain, inconscient, sourdement divisé. Sous le signe aussi cruel qu'essentiel de l'isolement glorieux, de la forteresse et de la mort, seule une haine farouche, tourmentant sa propre chair, se trouvera à même de le sceller en vue de l'expiation, la cérémonie rêvée paradoxalement, le meurtre.
L'espace de la prison est sacré, l'espace du dehors est profane. La vieillesse est perceptible dès l'adolescence, par conséquence le devenir inclus dans le présent fait que l'existence n'est qu'une entière putréfaction. Voilà pourquoi la première partie de Haute Surveillance n'est qu'un rite en éternel recommencement pour permettre d'assister à l'ultime : le meurtre.
La tragédie commence parce que le rite s'arrête. On ne s'improvise pas glorieux, on est condamné à la grandeur.
Tout est centré, tendu vers la cellule. Tout part au centre, aucune réplique n'invite vers l'extérieur. Aucune question d'avenir n'est envisagée. Tout est centré sur le crime de Yeux-verts qui entraîne les autres prisonniers à sa suite.
Même l'évasion n'est qu'une hypothèse métaphorique. Cayenne, le monde des chapeaux de paille et des palmiers n'est plus qu'une destination de carte postale.
Yeux-Verts cherche désespérement la porte de l'antichambre des dieux. Sa danse figurerait un passage impossible.
HAUTE SURVEILLANCE affirme la suprême beauté de la force vitale, celle des fleurs sauvages qui, à l'instar des grands criminels, ne savent obéir à d'autre loi que celle de l'incendie intérieur et dévorant qui pousse leur corps de l'avant...
Haute Surveillance considére la victoire sans appel de la nature.
Le théâtre ne saurait faire ainsi du scandale révélé une oeuvre d'art harmonieuse et consolante.
Notre fleur est CARNIVORE..."
cahier de mise en scène 1992© Jm Musial
Tags : jm musial, bouzid bazi, yeux-verts, carmelo carpenito, haute surveillance, jean genet, théâtre contemporain, arte povera
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